Le quotidien n'a pas vraiment de nom. Le quotidien, simplement ?


   C'était un matin comme bien des autres. Je n'avais pas décidé d'écrire, pas plus que les autres matins ; la différence résidait dans le fait que le fasse quand même.
Je ne savais pas bien ou je me réveillais, ce matin. Chez moi. Comme d'habitude. Chez moi ? Mensonge, un mensonge comme un autre. Comme un autre de ces matins qui allait se dérouler, se transformer en journée et continuer à m'emmener jusqu'à la nuit.
Hier, j'avais trouvé un ami.
Aujourd'hui, je me débattais pour le garder.
Demain, je comprendrai que j'allai le perdre.
Alors je continue de valser, et je continue de m'obnubiler de ce qui n'a pas d'importance. Rien n'a d'importance, vous savez ?

   Je suis sortie de chez moi, ce matin. Je me suis arrêtée au troquet du coin, et j'ai bu un café, fumé une cigarette. J'ai regardé le tenancier du bistrot, qui avait l'air bien morne. Je lui ai proposé de jouer un air de la flûte que j'avais avec moi. Cette flûte, je l'avais souvent avec moi, je la sortais pour lui faire prendre l'air, sans doute. Pourtant, je n'en jouais jamais.

   Le petit Oskar a un tambour. J'ai des pensées. Je ne sais que rythmer ma vie avec, puisqu'elles aussi sont inutiles. Je chante parfois, au vent, aux arbres qui frémissent, et au temps qui passe. Je bois du café, indéfiniment, pour me réveiller et chercher la réalité. Comme si tout cela n'était qu'un mauvais rêve. Mon ami m'avait dit que la création pourrait me sauver, mais je n'y crois pas tellement, puisque la création est tristement matérielle. J'aimerais pouvoir évoquer avec des mots ce qui n'existe que dans mon cœur, et que je ne connais même pas. Je crois que je ne pourrai pas inventer mes mots, et je ne pourrai sans doute pas inventer ma vie, puisqu'elle n'a pas le mérite d'exister.

   J'ai donc joué de la musique à ce triste tenancier. Je ne sais pas s'il m'a entendu, et même si maintenant encore il m'arrive de me poser la question, je crois que je m'en fiche un peu. Je suis partie rapidement, après avoir payé le café qu'il voulait m'offrir. Ce n'est pourtant pas la fortune que j'ai en poche qui peut me permettre ce genre de bonne âme.
   Je me suis mise à marcher dans la rue, à errer, sans vraiment savoir où j'allais, et sans aller nulle part. Je me suis dit que c'était un monde qui ne m'appartenait pas, comme je me le disais souvent. Et je me suis mise à observer, sans rien voir. La ville qui se réveillait, le petit matin commençait à luire et le soleil commençait à éclairer de ses rayons les tristes mines et tristes vitrines.
   Un homme. En face de moi. Il ne me regarde pas. Il ne me voit pas. Il regarde le sol, ou regarde nulle part. Pense-t-il à la tristesse ? Pense-t-il à une vie ou l'autre ? Pense-t-il ?
   Je me suis arrêté à un nouveau café. J'ai repris un café, refumé une cigarette. Et j'ai regardé les gens. Un homme, à nouveau. Une femme, une femme, un homme, une jeune femme et deux enfants. Un homme. Une femme. Un homme.
   Un homme ? Lui me jette un regard, que je soutiens avec ardeur, trop heureuse de trouver quelqu'un qui a enfin levé la tête. Je le presse de s'assoir avec moi en poussant la chaise qui me fait face du bout du pied, calmement mais prestement, pour qu'il comprenne. Il s'assoit.
Du fond de ma solitude, j'essaie de rencontrer un des autres. Aussi seul que moi. Aussi seul que moi.

La journée commence.

1 commentaire:

Il est possible d'aimer, conseillé de moquer, et même demandé d'insulter les auteurs de ce blog

back to top