Hommage aux chaussures de mon quartier

Le sujet présent oblige à garder la tête en l’air, à l’affut de ce détail cocasse, vieux comme les fils électrique, probablement. L’esprit enfantin, joueur. A l'affut de la facétieuse intention. Taquiner, provoquer le chaland en lui proposant ça : une paire de godasses qui pendent. Il faut se dire que pour que pareil miracle se produise, il faut que deux jeunes gens aient ri aux éclats en tentant de loger là des souliers usés. Il faut se figurer que tout cela nécessite de n’être pas sérieux, pas une seconde. Le geste est gracile, il nécessite un esprit plein de surprises et le gout de l’hommage. C’est un acte subtil, et même discret - l’oeuvre d’un taiseux, mais d’un très drôle. Un taciturne empli de fantaisie. Un petit plaisantin.
A quoi tout cela tient ? Au noeud de deux lacets, à une mairie n’étendant pas trop son empire - pas encore. N’étendant pas ses moyens technique jusque là, pour effacer bêtement, sans même trop y penser, toute cette poésie. Ce détail d’un humour bien moins grossier, moins gras que ses administrations, ses camions auto-collés de sigles tentant de nous convaincre que c’est là rendre service à la population. Que c'est une raison de lever l’impôt, une façon utile de le dépenser. Que c’est rendre les rues agréables et conviviale. C’est le contraire, bien sûr.
Ce n’est même pas nettoyer, c’est faire place nette, table rase, sans demander l’avis de personne. C’est une décision prise dans un bureau, de quelqu’un qui ne vit pas même là.
Ce geste, c’est l’adieu aux chaussures. C’est l’hommage à la basket. C’est une proposition faite à d’autre de faire faire un dernier voyage à leur propres paires de pompes. Une courte échelle vers le paradis des chaussures, où ces dernières sont soulagées de devoir se poser par terre. Elles attendent là, sur leurs fils perchées, que le monde prenne fin, les lacets de nylon ne devant pas céder avant. Ce n’est que lorsque notre temps s’effondrera, et ses fils électriques avec, qu’elles tomberont dans l’oubli - l’oubli des chaussures rendues à la terre, redevenue poussière parmi la poussière. « Ask the dust ».
La pluie les lustreront, comme leurs dignes vies l’exigent. Le soleil achèvera de délaver leur teintes, et alors elles seront pastelles, elles seront craquelées. Alors elles auront acquis leur ultime patine.

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