La lettre à Elise

  Je me rappelle de l'époque où l'on écrivait des lettres et des courriers pour communiquer ses bons sentiments ; moi, je ne vous communiquerai pas les miens, je suis bien trop pudique. Vous n'ignorerez cependant pas mon modeste courrier. Vous rappelez vous, de ces lettres roses et odorantes, que vous envoyait votre amoureux, lorsque vous étiez petite ? Moi, j'en ai envoyé une, une fois. Je n'ai jamais eu de réponse, alors j'ai arrêté. Puis un jour, je me suis dit que j'allais m'y remettre, alors j'ai essayé de voir comment j'allais écrire. J'y ai beaucoup réfléchis, vous savez. Je me suis trituré les méninges, je me suis demandé comment je pourrais bien faire, tout ça, j'ai rédigé une sorte de plan d'attaque. Cela n'a pas avancé ma lettre d'un pouce.
  Un autre jour, je me suis dit que je n'allais plus écrire, faire comme si cela ne m'intéressait finalement pas et que je m'en fichais bien, que je pouvais vivre sans. Après tout, qu'est ce qu'une petite lettre perdue dans ce grand monde ? Rien de tel qu'une bonne relativisation. Oh, oui, cela a marché quelques jours, mais bien vite, j'en eu mal à l'estomac. Un bon ulcère. Alors j'ai compris que je devais quand même essayer de l'écrire, ma lettre.
  Donc j'ai encore tenté autre chose, figurez-vous ! Cette fois-là, je me suis dit que, tout seul, je n'y arriverai pas. Alors je suis aller voir quelqu'un, un spécialiste dans les lettres, l'un de mes amis. Il m'a donné plein de bons conseils et m'a tout expliqué : comment entrer en matière, comment signer et tout l'entre deux lignes. Mais il n'a pas écrit ma lettre.
  Alors je me suis dit que tout cela ne servait décidément à rien, cette fois avec la spontanéité de la résignation, et j'ai réussi à en rajouter tout une couche en démontrant par A plus B que non, ça ne servait vraiment à rien. Alors j'ai pensé que, finalement, si c'était aussi important que ce soit inutile, cela devait être utile. Mais je n'ai pas compris comment.
  Donc je me suis mis devant une feuille blanche, et j'ai attendu. Je ne sais pas ce que j'ai attendu. J'ai beaucoup regardé les passants par la fenêtre, beaucoup regardé les oiseaux. J'ai redécoré tout mon appartement, assis devant ma feuille blanche. La lettre ne s'écrivait pas. J'ai regardé le stylo, de toutes mes forces, et j'ai prié pour que, mu d'une force divine, il se lève et marche. Mais il n'a pas plus voulu avancer que la feuille ne voulait se remplir toute seule.

  Fou de rage, j'ai pris une bouteille de vin, et j'ai commencé à boire et à chanter mon malheur. J'ai commencé à dire n'importe quoi. Alors je me suis regardé, en moi-même. Et je me suis dit que je savais bien dire n'importe quoi.

Le lendemain, j'ai pris mon stylo, ma feuille blanche, et je vous ai écris.

  Je ne sais pas si le gros rouge vient à bout de toutes les sécheresses malheureuses des mauvais écrivains. Je ne sais pas bien comment j'ai fait, et je ne sais pas si je saurai le refaire. Mais là, je continue d'écrire, et cela ne marche pas si mal, n'est ce pas ? Oh, oui, je vous entends d'ici, oui, oui, il n'écrit que des bêtises. Mais je vous avais prévenu. Au diable !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Il est possible d'aimer, conseillé de moquer, et même demandé d'insulter les auteurs de ce blog

back to top