Pincemi et Pincemoi

  • Nous devrions partir en dialogue.
  • Oui, mais comment savoir quoi nous dire ?
  • Je ne sais pas, essayons.
  • Bien, essayons.
  • Qu'avez-vous fait de beau ces derniers temps ?
  • Oh, cher ami, je n'osais vous demander ce que vous faisiez dans la vie.
  • Vous ne répondez pas à ma question.
  • Non, mais avouez que cela est cocasse !
  • Je l'avoue bien volontiers.
  • Mais pardonnez moi, cher ami, je ne vous ai donc toujours pas répondu !
  • Je ne vous le fais pas dire.
  • J'aime dans le monde aller sur les chemins.
  • Êtes vous poète ?
  • Poète ? Seigneur non, j'ai dit que j'aimais faire.
  • Oh, êtes vous musicien ?
  • Hélas, je fais, mais je suis paresseux.
  • Un paresseux ?
  • Monsieur, vous prenez tout au pied de la lettre et, si je suis une sorte de paresseux sans doute, ce n'est que pour son côté languissant et altier.
  • Oh, je vous prie d'excuser mes maladresses, cependant, je n'ai toujours pas cerné votre occupation.
  • Je me languis, vous l'avez entendu. Je philosophe et je parcours le pays à mon gré. Je m'estime en ma demeure dans votre logis.
  • Monsieur, je ne vous ai guère demandé de nouvelles sur votre lieu d'habitation.
  • Et que s'agit-il que votre propre occupation ?
  • Pour ma part, j'étudie. Le monde regorge d'études de toute sortes et de tous reliefs.
  • Oh ! Nous voilà bien amarrés, cher ami. D'un scientifique et d'un littéraire !
  • Je ne pense pas que l'on puisse dire cela.
  • C'est de votre rigidité que vient votre ressentiment mon cher !
  • Je ne m'estime certainement pas comme rigide et, bien que le fait que je l'énonce le contredise, je crois judicieux de faire preuve d'un minimum de discernement en toutes circonstances.
  • Je ne crois qu'au discernement de l'hydromel, des nuages et du vin !
  • Ce sont des sortes de discernement. Vous les rendez lyriques.
  • Oh, certes, oui, mais que diable ? Un peu de théâtre ne fit jamais de mal à personne ! Et lorsque je m'épanche dans la tragédie, ce n'est que pour mieux rebondir : ne vous essoufflez-vous donc jamais ?
  • Je ne suis pas bavard. Je ne pense pas que l'on puisse dire des choses sans cesse à propos des choses. S'il est judicieux d'évoquer des images des choses, il faut savoir les pondérer.
  • Vous parlez comme un sablier !
  • Je ne tiens pas à réagir à vos provocations. La révolte doit parfois être vaine.
  • Oh, je ne puis vous laissez amoindrir de votre petitesse mon tableau de rêves. Les images sont douces, elles permettent de s'avigorer l'imagination. Elles laissent courir l'esprit plutôt que de l'enfermer dans une cage de raison.
  • Vous parlez de cage car vous ne connaissez pas la superficie de la connaissance ; peut-être sentez-vous les tréfonds de l'âme mais nous avons pour nous la surface entière de l'esprit.
  • M'insinueriez-vous primitif en m'insinuant un homme des fonds ? Croyez-vous que seuls les hommes de sciences sont dotés d'esprit ? Croyez-vous que l'âme n'ai pas de regard ?
  • Je dis simplement que peut-être l'âme a-t-elle un regard, mais l'esprit en a un. Nous autres scientifiques, tournés vers l'extérieur, pouvons voir d'une même sorte que vos penchants intérieurs.
  • Évidemment. Cependant, certains s'étalent dans la raison et s'y tournent à leur gré.
  • Que voulez-vous, le monde est partout, les réalités sont multiples.
  • Monsieur, pensez-vous judicieux de mêler le monde à cela ?
  • Je ne verrais de toute façon pas duquel vous parlez. Rappelez-vous que je suis un scientifique et que vous êtes littéraire. Pardonnez-moi ces réductions bien amères, vous m'entendrez.
  • Cher monsieur, bien évidemment. Mais j'ai cependant peur de ne pouvoir vous causer plus longtemps, si nous n'évoquons aucun monde du tout.
  • Alors de quel monde voulez-vous parler ?
  • Ne soyez pas si direct et restez courtois. N'oubliez pas que nous sommes des hommes du monde. Nous nous devons nous maintenir une certaine figure.
  • Ahah, oui, sans doute avez-vous raison. Mais nous ne pouvons que nous figurer vos mondes, à vous, les littéraires ! Je ne voudrais cependant pas vous vexer, monsieur, et je vous accorde le crédit que vous souhaitez pour ce point.
  • Où donc pourrions nous aller, si je laisse les imaginations nous mener ? Je ne peux, cher monsieur, que me réapprendre à moi-même en essayant de vous l'expliquer. Essayons : imaginez une rêverie. Vous voyez simplement les tressaillements de vous-même et c'est pour vous comme si vos yeux s'étaient fermés une seconde fois. Nulle besoin de décrire ce qui vous arrive, vous pouvez alors vous constater.
  • Je suis sceptique.
  • Ce n'est point que vous ne faites aucun effort, c'est que vous en faites trop ! Vous devez, mon cher ami, vous laisser aller, ou plutôt laisser tout ce qui n'est pas vous-même, aller.
  • Aller ? Mais aller où ?
  • Ah ! Je l'ignore ! Et vous aussi l'ignorez ! Vous saurez une fois que vous ne le saurez plus.
  • Voilà qui est pénible avec vous, les littéraires, vous ne savez décrire plus loin que des images bien floues.
  • Alors je vous écoute ?
  • Non, cher monsieur, je ne peux me permettre de vous étaler ma science, pour la simple et excellente raison qu'outre le fait que ce soit hors de propos, quand bien même vous comprendriez, tout cela n'aurait d'intérêt que si nous avions l'occasion de sortir une planche ou une autre table de recherche.
  • Voilà, comme vous y êtes. Quelle prétention ! Une science nécessite aussi une pratique, mais en ce sens, nos effleurements de conscience sont aussi science ; nous les pratiquons.
  • Je ne peux évidemment vous exposer une idée décente, mais puisque vous y tenez, je vais vous expliquer l'une ou l'autre chose que je comprends.
  • Ahah, quel homme de science !
  • Bon. Disons simplement que 1+1=2. Si on pose 1=2, nous sommes d'accord que 2+2=4.
    En posant cela comme 2² (soit 4) nous obtenons la deuxième dimension puisque la valeur de référence se trouve être deux relativement à 1. Puisque la troisième dimension est une relation de profondeur à partir de la seconde et se matérialise en 3 compris en 4, nous savons que nous ne pouvons continuer en expansion du système déjà crée mais dans un affinage de celui-ci ou si 4=1, 3=3/4 donc notre 2² deviens 2³ soit 2*(2*[3/4 de 2]). Pour résumer la démonstration, relativement à 2 et 4 et dans un système mobile avec l'unité (1) de référence donc une unité complète infinie 3=3/4 soit 2+1/2(2) ou 4-1/4(4) et nous pouvons donc conclure que la découverte du 2 et du 4 induisait hypothétiquement la découverte de la troisième dimension.
  • Je suis soufflé, cher ami. Cependant, une pareille démonstration débouche forcément sur un imaginaire. Sans cela, vous ne pourriez penser de nouvelles dimensions encore ! Voilà notre règne, à nous, littéraires. Nous partons de l'imaginaire lui-même et pouvons inventer autant de dimensions qu'il nous est possible !
  • Je vous l'accorde, mais elles ne sont qu'affabulations, vous auriez grand' peine à revenir à une réalité ou l'autre et vous partez de vous-même et votre petit esprit. Que vous soyez malins vous permettra simplement de mieux vous sortir de vos dédales ; nous traçons une ligne droite !
  • Vous vous aplatissez de sciences en plus de votre fadeur habituelle. Il vous faut forcément un peu de fadaises axiales pour vous relever et nous vous sommes d'un grand recours.
  • Cela est vrai. De la même façon que recadrer parfois une littérature peut lui être fort bénéfique.
  • Comme nous nous équilibrons mutuellement !
  • Oui, au point d'en être parfois fort mal à propos.
  • Mon ami, je suis heureux de vous l'entendre dire, notre parfait assentiment ne peut que nous être mauvais. Il nous rendrait fades et bien pire que votre fadeur, encore !
  • Je ne suis pas fade, gardons une consonance quelques temps voulez vous ?

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